MOUSSA, pt. I

Sept heures, j'me lève, direct j'm'énerve d'la sonnerie d'mon réveil

J'vais faire mes ablutions, c'est dans mon éducation

J'stalk un peu mon tél', j'regarde des gens qui vivent de leur passion

Et vite fait j'm'en rappelle qu'on a qu'une âme, qu'un corps en location

Hey, donc j'rattrape le F-A-J-R, miroir, de quoi j'ai l'air ?

Un p'tit bouton qui pousse, mais nique sa mère, à personne je veux plaire

Tranquille, un peu d'ce-for, huit heures, j'commence ma journée

J'descends, j'croise monsieur Sako qui bosse déjà depuis

Cinq heures, un homme sage, un vrai, avec un grand cœur

J'entame la discussion : « Ah, monsieur Sako, comment tu vas ?

Et ta madame, comment elle va ? Et tes enfants, comment ils vont ? »

Nos pères ont mal au dos et j'me demande comment ils font

Car ils ont pas besoin d'aide, t'sais pas son émotion

Quand il me parle d'son bled, autour d'un bon p'tit tièbe

Enfin bref, huit heures dix, j'attends mon bus comme chaque matin

Ah putain, mais quel genre de journée d'merde m'attend ?

J'croise un p'tit du tieks qui va en cours, wesh, Samy

J'connais bien son grand frère, il fait partie d'mon cercle d'amis

Donc on commence à papoter sur les p'tits d'à côté

Il m'explique que eux, c'est les mecs du A, nous, c'est les mecs du B

Et j'vois son extinct, rangé au fond d'son sac à dos

Ça m'rappelle à l'époque tellement j'faisais trop d'sale ado

J'lui dis d'faire attention à lui, j'remets mes Airpods

La nouveauté de RK, trop lourd son dernier album

On m'tapote sur l'épaule, terminus, j'arrive à la gare

Dès le matin j'suis sur mes gardes, là-bas c'toujours une bagarre

Entre les bourrés clochards et ceux qui rentrent du bon-char

Le train c'est beaucoup mieux, j'ai pas l'permis, j'évite les bouchons

J'fais Meaux, Esbly, Lagny, Chelles, Paris

Un jour je rêve de faire Dubaï, Marrakech et p't-être Bali

Et t'sais qu'j'me fais l'pari, j'irai nulle part tant qu'j'suis pas riche

Parce que voir des gens qui puent d'la gueule l'matin, moi ça m'fait pas rire

Dans l'train, j'croise l'autre, comment on l'appelle déjà, Poison

Neuf heures du mat', gros teh, boisson

Il parle devant mon nez avec sa grosse tête de poisson

Tu connais c'est la street, tout l'monde bédave dans l'dernier wagon

Il m'dit qu'ce soir c'est la Ligue des Champions, qu'est-ce que j'm'en bats les couilles

Poison, c'est un grand d'la tess, que les tits-pe voient comme « mmh, v'là le fou »

En '97 askip c'est lui qui tenait tous les fours

Bref, t'as compris le personnage, allez

Neuf heures vingt-quatre, vite, j'me dépêche, j'arrive à Gare de l'Est

J'passe au Relais, j'prends un Dada pêche, histoire d'avoir la pêche

Et je cherche au fond d'ma veste quelques pièces

Choisis bien la caisse, mademoiselle encaisse

Car la vendeuse, c'est l'amour de ma vie, quand j'la vois, mon cœur, il palpite

Tu connais, on est des rates-pi, on ne sait pas draguer les filles

Mais je sens qu'j'ai une touche, donc j'lui fais les yeux doux

J'envoie mon meilleur des sourires en espérant un retour

Eh, laisse tomber, j'ai jamais eu d'chance

Et j'accélère, j'ai six arrêts d'métro quand j'y pense

Château d'Eau, Saint-Denis, Réaumur, Marcel

J'suis bientôt là, j'comprends pas pourquoi l'collègue de ta fille m'harcèle

Les Halles, Châtelet, j'descends, j'arrive devant

J'ai un p'tit job en intermittent, sans perdre de temps

Dix heures, j'enfile mon tablier, et j'suis mal payé

Et on m'rend pas fou, j'participe au loyer

Donc j'suis serveur dans une brasserie qui s'appelle « Chez Rémy »

J'essaye un langage soutenu, avec ma tête, j'fais crari

C'est golri, du style « alors comment va mon Nico ?

Qu'est-ce que j'lui sers aujourd'hui ? », avec v'là la tête de ient-cli

Ça s'voit qu'il a beaucoup d'loves

Il m'dit : « Sers-moi un p'tit café avec un verre d'eau », au poignet il a une Dayto'

Ah, sacré Nico, tranquille, j'en fais pas trop

Onze heures pile, tout l'monde à son poste, vite, voilà l'patron

Ah, bonjour, M'sieur Lambert, vous allez bien ?

Eh, jolie chemise aujourd'hui, hein

Faudrait qu'j'goûte le nouveau cocktail qu'y a sur la carte là

Ah ça y est, j'ai fini la matinée, j'vais en pause là

Allez, fils de pute