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Credits

PERFORMING ARTISTS
Vincent Delerm
Vincent Delerm
Performer
COMPOSITION & LYRICS
Vincent Delerm
Vincent Delerm
Songwriter

Lyrics

Paris.
Je ne sais pas comment t’écrire ça.
Toutes les fois où j’ai pensé à toi.
Toutes les fois où j’ai voulu cette vie-là.
La nuit. La chambre. La cage d’escalier en septembre. La vue sur les toits.
Il y avait cette chanson Bleu comme toi.
J’avais l’impression que ça parlait des soirs d’été. La ville déserte.
Que c’était comme dans cette publicité des années quatre-vingt.
Le garçon quitte sa chambre au dernier étage en passant par les toits.
Il rejoint une fille avant la nuit et je voulais cette vie-là.
J’y pensais l’été dans la maison du Tarn-et-Garonne.
On rentrait de la piscine, il y avait du chlore sur les serviettes de bain et je pensais à Paris Bleu comme toi.
Je ne sais pas pourquoi tu me faisais cet effet.
Peut-être à cause de tous ces films.
Parler dans une voiture tard la nuit avec Mireille Perrier comme dans Un monde sans Pitié.
L’amour l’après-midi. La Désenchantée. La Discrète. Fin août, début septembre.
Des histoires d’amour dans le brouillard. Des génériques de fin sur les boulevards.
François Merlin tape un livre sur sa machine à écrire. C’est l’après-midi.
La pluie dégouline sur les carreaux. Plus tard j’ai retrouvé l’adresse de l’appartement du Magnifique dix-sept rue des Tournelles. J’ai attendu que quelqu’un ouvre la porte et j’ai photographié la cage d’escalier.
Sans Jacqueline Bisset.
J’ai retrouvé toutes les adresses.
La cour de Domicile Conjugal.
Le café de La Fille seule rue d’Amsterdam. Le boulevard Haussman à 5 heures.
Les chansons d’Yves Simon. Les pages de Simenon.
Tu contenais tout ça.
Tu contenais quelqu’un, aussi. Solange. Ma grand-mère.
Elle avait gardé l’appartement de la rue Marcadet au-dessus du Square Carpeaux, là où ma mère avait passé son enfance. Parfois on venait la voir le dimanche. On déjeunait, je regardais des dessins animés, je jouais un peu dans la chambre d’enfant de ma mère et puis on repartait.
Une fois, mon cousin Thomas m’a raconté qu’il avait tiré un feu d’artifice pour elle en passant la nuit par dessus les grilles du square et j’ai jamais su si c’était vrai.
Je ne lui en parle pas, j’ai trop peur que ça n’ait pas existé.
Mon père avait écrit une chanson qui parle des débuts de l’histoire d’amour de mes parents. La chanson s’appelle Paris l’Ailleurs, elle évoque leurs premiers rendez-vous dans le dix-huitième arrondissement, le Pont Caulaincourt.
Il y avait des expressions dans la chanson qui me faisaient un effet.
« Vert sombre square et gris boulevard / À Guy Môquet le bleu du soir» .
On vivait loin de Paris. A cent-vingt kilomètres, près d’une forêt et j’aimais ça.
Et j’aimais les entendre parler de Paris le soir en vivant ailleurs.
Comme si c’était un parc d’attractions merveilleux, une fête étrange et impossible.
Dans le couloir de l’entrée il y avait une affiche pour une exposition au musée de l’Orangerie, 23 janvier au 17 juin.
Un jour ma mère m’a dit : « si tu veux savoir à quoi ressemblait mon adolescence tu peux regarder Diabolo Menthe. J’étais de la même génération que Diane Kurys au lycée Jules Ferry, tous les profs qu’on voit dans le film je les ai eus. »
Le dimanche soir, à la fin de l ‘émission 7 sur 7, on voyait en transparence des voitures sur le périphérique, des Parisiens qui rentraient chez eux.
Et je pensais à mes cousins qui vivaient en banlieue parisienne.
A François qui avait trois de plus que moi, qui faisait des « virées » à Parly 2 avec ses potes et qui s’achetait des cartes postales de Robert Smith chez Soho.
La banlieue parisienne, c’était Paris déjà.
Je suis parti faire mes études à Rouen.
J’ai commencé à écrire des chansons et pour mettre autre chose que des noms de rues rouennaises souvent je transposais. La rue Beauvoisine est devenue la rue Saint-Séverin.
Parfois, je venais passer une journée à Paris.
J’allais passage Jouffroy, passage des Panoramas.
Et puis au Jardin des Plantes.
Je regardais les flamants roses et la vipère du Gabon.
En dernière année de fac, j’ai fait une maîtrise sur Truffaut et pour gagner une journée à la toute fin, le prof qui dirigeait mon mémoire m’a proposé de lui déposer dans sa boîte aux lettres, rue Burq au-dessus des Abbesses. J’ai fait le trajet, j’ai monté la pente et j’ai déposé l’enveloppe.
Quand j’ai redescendu la rue, j’avais fini mes études.
J’ai pensé à François Truffaut et à sa collection de Tours Eiffel miniatures.
Un jour, plus tard, j’irais en poser une sur sa tombe, pas très loin de la rue Burq.
A Paris, il y avait encore quelques boîtes à chanson avec des claviers numériques pas fous ou des pianos droits fatigués.
Le Limonaire, le théâtre de La Mainate. J’ai chanté devant des gens qui mangeaient en même temps et j’ai aimé connaître ça.
Je dormais où je pouvais, j’aimais bien aussi.
J’ai fait un stage dans une maison d’édition et j’ai rencontré une bande de filles intimidantes, elles buvaient du vin blanc et elles connaissaient le plan de métro par cœur.
J’ai rencontré Hélène, j’ai vécu dans le quatorzième arrondissement.
J’ai rencontré Virginie, on a vécu Boulevard Barbès. Rue André del Sarte. Rue de Bellefond. Rue du faubourg-du-Temple.
J’ai eu deux enfants. Deux garçons de Belleville. Deux Parisiens.
Paris. Je ne sais pas comment t’écrire ça.
Toutes les fois où j’ai pensé à toi.
Toutes les fois où j’ai voulu cette vie-là.
La nuit. La chambre. La cage d’escalier en septembre. La vue sur les toits.
Written by: Vincent Delerm
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